Silca, une entreprise fondée à Milan, en Italie, fait des outils et accessoires d’entretien pour vélos. Joshua Poertner, propriétaire de l’entreprise, ingénieur de formation, ancien directeur technique chez Zipp Speed Weaponry et conseiller technique pour des équipes WorldTour, étudie la question de la pression idéale à mettre dans les pneus depuis longtemps et il a un point de vue qui est un peu à contre-courant et que nous avons décidé de partager.
Pour lui, trouver la bonne pression, c’est plus que mettre 100 psi avant chaque sortie sur route ou simplement d’appliquer ce qui est écrit sur le flanc de son pneu. La pression des pneus, peu importe le sport qui utilise des pneumatiques (cyclisme ou sports automobiles), est l’un des problèmes d’optimisation les plus complexes auxquels sont confrontés les ingénieurs et les équipes.
Pourquoi est-ce si important d’avoir la bonne pression dans les pneus de vélo de route?
Comme le pneu est la seule composante qui relie le vélo à la route. Le pneu est une pierre angulaire de la performance, tant pour la traction à la route, la suspension que la protection de la jante. C’est grâce à la déformation que le pneu forme une zone de contact avec la route. L’enveloppe du pneu se déforme autour des petites et grandes imperfections de la route pour assurer la conformité du cycliste, tout en maintenant la cohérence de la zone de contact. Outre pour la performance et le confort, l’œil humain n’étant pas très bon pour évaluer la vitesse, il faut réduire les vibrations à haute fréquence qui donnent une impression de vitesse, mais qui en fait, ne veut simplement dire que le pneu cherche une surface de contact.
Au cours de sa carrière, Josh a aidé, en tant que consultant spécial, des cyclistes comme Peter Sagan et Fabian Cancellara à trouver la bonne pression à mettre dans leurs pneus lors de courses importantes, comme Paris Roubaix ou le Tour de France. Voici ce qu’il avait à dire au sujet de la bonne pression à avoir.
Des pneus gonflés à haute pression transmettent plus de vibration à haute fréquence donnent l’impression à l’humain qu’il va plus rapidement, mais ce n’est pas le cas. Dans la majorité des cas, on a l’impression d’aller rapidement, mais on pourrait être plus rapide en ayant moins de pression dans les pneus. Si on a l’impression d’être rapide, on n’est probablement pas aussi rapide qu’on pourrait le croire et si on diminue la pression et que c’est « smooth », c’est probablement plus rapide.
Quelle est la bonne pression dans les pneus de vélo de route?
C’est difficile d’arriver avec un algorithme et c’est probablement pour ça qu’il n’y a pas beaucoup de consensus. Il y a quelques étapes à suivre selon Joshua, mais il faut trouver la pression optimale à tâtton.
Il faut d’abord connaitre son point de référence. Par exemple, une personne de 150 lb, sur des pneus 25mm, 120 lb de pression serait plus idéales sur un vélodrome en béton.
Mais dès que l’on sort du vélodrome et que l’on est plus sur une surface optimale et dure (que l’on arrive sur l’asphalte), la pression doit être baissée. Il faut regarder la qualité du revêtement sur lequel on roule. Même si l’asphalte semble lisse, il y a beaucoup d’espace négatif (mini trous). Cet espace négatif fait bouger un pneu trop dur afin de conserver la surface de contact dont il a besoin pour supporter le poids. Si le bitume est nouveau et de bonne qualité, il y a moins d’espace négatif, donc on peut garder une pression qui est plus proche de notre point de référence, si le revêtement est plus vieux ou de moins bonne qualité, il plus a plus d’espace négatif et on doit baisser la pression.
Enfin, le pneu, lui-même, jouera dans l’équation : la rigidité du flanc du pneu pourrait avoir un effet majeur. Par exemple, un pneu coton au flanc, moins rigide qu’un pneu en caoutchouc, n’aura pas nécessairement besoin de réduire autant sa pression, comme le pneu déforme naturellement plus facilement pour trouver la surface de contact idéale. Le même principe s’applique aux pneus plus larges, qui sont de plus en plus tendance, et qui ont généralement un flanc plus haut et par conséquent qui se déforme plus.
En gros, l’erreur qui est faite par plusieurs est de ne considérer que son point de référence pour toutes les surfaces.
Pourquoi on en entend peu ou pas parler de la bonne pression à avoir en vélo de route comparativement à d’autres sports ou disciplines cyclistes?
D’abord, Joshua mentionne que c’est une compétence plutôt complexe qui doit être expérimentée et comprise. La barrière à l’entrée est plutôt haute. Ensuite, la pression n’est pas un avantage qui peut être acheté. Ce n’est pas rentable pour l’industrie et par conséquent, il est plus rentable de faire la promotion de pneus, composantes plus légères ou encore de divers produits maximisant l’aérodynamisme que d’éduquer sur la pression des pneus. SILCA étant un fabricant de pompes et outils pour vélos, c’est dans l’ADN de l’entreprise d’éduquer la clientèle et de se positionner en tant qu’expert sur la question.
Bref, dites-moi ce que vous pensez de la théorie avancée par Joshua Poertner. Allez-vous réduire la pression de vos pneus cette saison?